Jacques Rogge

Rencontre exclusive avec le président du comité international olympique à la veille des premiers jeux olympique de la jeunesse

Vous êtes à la tête du CIO depuis 10 ans; quels sont les changements les plus importants que vous avez constatés durant cette période?
Ces dix années à la tête du CIO depuis mon élection en juillet 2001 à Moscou ont été passionnantes. Elles ont été jalonnées de grand événement sportifs et notamment des Jeux Olympiques à Salt Lake City, Turin, Athènes, Beijing et Vancouver qui ont été de vrais succès.

Elles ont malheureusement vu le terrorisme frapper à nouveau et les crises économiques se succéder. Heureusement, mon équipe au CIO a fait de l'excellent travail au cours de cette décennie. Nous nous sommes efforcés d'offrir des Jeux de qualité.

Nous avons également misé sur un nouveau produit avec les Jeux Olympiques de la Jeunesse, événement qui, j'en suis persuadé, va encore gagner en importance au sein du Mouvement olympique dans les années à venir. Nous avons par ailleurs intensifié la lutte contre le dopage et ambitionnons de faire la même chose avec les paris irréguliers et illégaux dans le sport. Ces 10 années n'ont pas été de tout repos!

Le monde connaît actuellement des bouleversements politiques et économiques importants. Ces derniers influencent inévitablement le mouvement olympique. Quels dangers y voyez-vous et quelles nouvelles opportunités y décelez-vous?
Le Mouvement olympique ne vit pas dans une bulle. Il peut évidemment être touché par les changements économiques et politiques. Le CIO n'a pas été immunisé contre la crise économique actuelle par exemple. En effet, même si nos finances sont saines, nous avons mis en place des mesures visant à réduire les coûts partout où cela était possible, et invité tous les acteurs du Mouvement olympique à en faire autant. C'est grâce à certaines décisions prudentes prises par notre équipe au CIO que nous arrivons aujourd'hui à garder une bonne santé financière, mais il va sans dire que nous devons travailler sans relâche pour la conserver.

D'un point de vue politique, nous entendons protéger l'indépendance du Mouvement olympique et préserver l'autonomie du sport. Toutefois, nous sommes conscients que nous devons oeuvrer avec différents gouvernements et systèmes politiques à travers le monde. Nous les encourageons et travaillons de concert avec eux pour placer le sport au service de l'humanité et ainsi promouvoir la paix. Pour ce faire, nous utilisons plusieurs voies, notamment notre collaboration avec les Nations Unies, les Comités Nationaux Olympiques, et agissons dans le cadre de programmes tels que ceux de la Solidarité Olympique par exemple.

Les valeurs de l'olympisme sont-elles altérées par tous ces bouleversements? doivent-elles être remises en question?
Les valeurs olympiques que sont l'amitié, l'excellence et le respect sont aussi
importantes aujourd'hui qu'elles l'étaient au moment de leur adoption au début du 20e siècle. En dépit de ce qui se passe dans les sphères politiques et économiques, les Jeux Olympiques proposent une plateforme où les athlètes peuvent se réunir, indépendamment de leurs nationalités, religions, cultures, langues ou appartenance ethnique. Les peuples du monde entier sont représentés et vivent en harmonie au village olympique. C'est une expérience que les athlètes n'oublient jamais lorsqu'ils ont eu la chance de la vivre. C'est un message adressé au monde entier: tous les hommes et les femmes vivant sur cette planète sont égaux et doivent être respectés. C'est ce principe que le sport et les Jeux Olympiques défendent.

Quels sont les prochains challenges qui attendent le mouvement olympique?
L'un des plus grands défis du Mouvement olympique consiste à préserver l'intégrité du sport. Nous avons pris les premières mesures préventives pour lutter contre ce problème il y a cinq ans lorsque nous avons identifié les paris illégaux et irréguliers dans le sport comme l'une des deux plus grandes menaces à l'intégrité du sport (la première étant le dopage). Depuis, nous n'avons eu de cesse de sensibiliser à cette question.

En 2006, le Code d'éthique du CIO a été modifié afin d'interdire à tous les participants aux Jeux Olympiques de parier sur les épreuves olympiques. Nous avons renforcé nos relations avec des acteurs majeurs dans ce domaine, à savoir, les gouvernements, les forces de police et les opérateurs de paris légaux. Par le biais de ce dialogue, nous avons mis sur pied un groupe de travail fortement mobilisé qui a pour objectifs de déterminer les meilleurs moyens d'informer les personnes sur cette question, de surveiller cette activité, collecter des informations, partager et analyser les renseignements obtenus, et créer une législation et des réglementations communes tout en renforçant la coopération judiciaire et policière. Il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir, mais nous sommes sur la bonne voie.

Durant votre présidence, vous avez donc décidé de créer les JOJ (Jeux Olympiques de la Jeunesse). Vous pensez en faire plus qu'un rendez-vous sportif. Pouvez-vous nous en dire plus?
Les JOJ sont un projet que j'avais en tête depuis longtemps. Lorsque j'ai été élu président des Comités Olympiques Européens en 1989, l'Europe était alors divisée en deux, le mur de Berlin marquant cette séparation. Il y avait alors peu de contacts entre les jeunes des deux côtés. J'ai donc pensé qu'une compétition entre jeunes pourrait remédier à cette situation et nous avons lancé la première édition du Festival olympique de la jeunesse à Bruxelles en 1991. C'est à ce moment précis que j'ai entrevu la possibilité de créer un événement international qui associerait sport et éducation et agirait comme catalyseur afin de mobiliser les jeunes du monde entier. J'ai toujours été intimement convaincu de l'importance des événements sportifs pour les jeunes générations.

Les Jeux Olympiques de la Jeunesse offrent un environnement au sein duquel les jeunes athlètes sont encouragés à apprendre, partager et nouer des amitiés à travers un vaste programme culturel et éducatif. Ces Jeux leur donnent une bonne compréhension des compétitions au niveau international et leur font découvrir de nombreux autres sports et cultures.

En parallèle du programme sportif, vous avez donc initié un programme lié à la culture et à l'éducation. Sous quelles formes ce programme est-il mis en oeuvre?
Le programme culturel et éducatif des JOJ est aussi important que les compétitions en elles-mêmes. Il existe déjà des championnats du monde et des championnats du monde juniors pour la plupart des sports olympiques. Il ne s'agissait donc pas de créer un événement qui ferait doublon avec ce que les fédérations sportives proposent déjà. Il me semblait qu'un aspect manquait dans le schéma habituel de ces championnats destinés aux jeunes, et selon moi, il s'agissait du volet éducatif.

L'idée consiste à enseigner les valeurs des Jeux Olympiques que sont l'excellence, l'amitié et le respect -pour les autres et pour des valeurs sociales telles que l'environnement. Nous souhaitons également que les jeunes en apprennent davantage sur un certain nombre de questions importantes telles que les bienfaits d'un mode de vie sain, les dangers du dopage ou leurs rôles en tant qu'ambassadeurs du sport dans leurs communautés respectives. Aux JOJ, il est surtout question d'apprentissage et de partage.

Vous allez bientôt célébrer la première édition des Jeux Olympiques de la Jeunesse d'hiver dans la ville mythique d'Innsbruck. Vous avez décidez d'y inclure de nouvelles épreuves sportives. Vont-elles aussi faire leur entrée aux prochains Jeux Olympiques d'hiver à Sotchi en 2014?
Les nouveaux formats sont spécifiques aux Jeux Olympiques de la Jeunesse et ont été adoptés pour l'attrait qu'ils peuvent susciter chez de jeunes participants et un jeune public. Deux nouveaux sports ont récemment été ajoutés au programme olympique: le rugby et le golf, mais à l'heure actuelle, il n'est pas envisagé d'ajouter les formats des JOJ aux Jeux Olympiques.

Si les nouvelles épreuves qui figurent au programme des Jeux Olympiques de la Jeunesse n'apparaissent pas systématiquement dans les prochaines éditions des Jeux Olympiques - chaque sport devant respecter une procédure spécifique afin d'être admis au programme olympique - les JOJ sont néanmoins
une formidable occasion pour les Fédérations Internationales de présenter de nouvelles épreuves sur une scène olympique.

Ainsi, les premiers Jeux Olympiques de la Jeunesse d'hiver de 2012 à Innsbruck verront l'épreuve du saut à ski féminin faire ses débuts dans le programme olympique, sans oublier les épreuves masculines et féminines de slopestyle en snowboard et de half-pipe en ski, épreuves qui seront également pour la première fois présentes aux Jeux Olympiques d'hiver de 2014 à Sotchi.

Avez-vous un message particulier à adresser aux milliers d'étudiants qui reprennent les cours après les vacances de Noël?
Merci à tous d'avoir pris le temps de me lire et de soutenir le sport et les Jeux Olympiques. Gardez la forme et soyez actifs!


Après avoir organisé les Jeux d’hiver en 1964 et en 1976, c’est la mythique station d’Innsbruck qui accueillera la première édition des Jeux Olympiques de la Jeunesse d’hiver dès le 13 janvier 2012. A noter parmi les nouvelles épreuves à l’affiche: le biathlon relai mixte, le curling avec équipes mixtes, ski halfpipe femmes & hommes, équipes de relai combiné ski de fond-biathlon, descente en parallèle - équipes mixtes (ski alpin), équipes de relai mixtes (luge), snowboard slopestyle femmes & hommes.

Les participants auront l’opportunité de participer à de tisser des liens forts avec des athlètes d’autres pays au travers d’activité organisées en marge des épreuves sportives. Le programme se décline sous différents thématiques: le Laboratoire Médias, le World Mile, le Projet de Durabilité, le Projet Artistique, le Projet de Compétences, Le Festival.

Pour cette occasion, des athlètes modèles ont été désignés par la Fédérations Internationales participant aux JOJ. Ils iront à la rencontre des jeunes sur et en dehors des aires de compétitions et seront pour eux une source d’inspiration et de motivation. Des forums sont également organisés pour aborder leurs récits personnels, leurs expériences et les difficultés rencontrées durant leur carrière. Parmi ces personnalités: Andreas Küttel, Stéphane Lambiel, Ivo Rüegg, Marco Büchel (LIE), Vincent Defrasne (F) ou Sergey Bubka (UKR).

Dès le 27 décembre, 2012 relayeurs ont été sélectionnés pour porter la flamme olympique qui sera allumée le 13 décembre à Athènes.