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Écrivains fantômes

Le monde du savoir épargné?

Le film, «The Ghost Writer», a remis le thème sur le devant de la scène. Si le recours à des écrivains fantômes demeure un fait connu dans le milieu de l’édition, qu’en est-il dans les sacro-saints murs du savoir? En Suisse romande, ils sont une cinquantaine à proposer leurs services aux étudiants. Leur travail se borne, cependant, à corriger l’orthographe de mémoires ou d’autres textes universitaires et à peaufiner un style jugé inadapté. Interview en compagnie de l’un d’eux, qui a souhaité garder l’anonymat.

Quels services proposez-vous aux jeunes en formation?

Je les conseille et les soutiens dans leurs démarches et travaux (lettre de motivation, CV, TPA, TA, rapport, mémoire, etc.). En ce qui concerne les travaux, il est clair que je ne vais pas tout rédiger à leur place. Ma mission consiste à corriger les fautes d’orthographe, à améliorer la syntaxe et éviter une répétition de mots, ainsi qu’à structurer et remanier le texte. Enfin, je peux apporter une lecture critique et les inciter, par exemple, à revoir une conclusion.

Existe-t-il un profil type d’étudiants qui font appel à vous?

Non. Ils proviennent de toutes les classes sociales, de tous les niveaux de formation et de branches d’études fort différentes.

Avez-vous beaucoup d’étudiants qui vous sollicitent pour écrire un travail universitaire?

Non, je ne reçois pas beaucoup de requêtes de ce genre. De toute manière, d’un point de vue éthique, cela me dérangerait et je refuserais de rédiger complètement un travail de mémoire ou de séminaire.

À l'heure actuelle de plus en plus de jeunes en formation font appel à des écrivains fantômes, comment l'expliquez-vous?

Personnellement, je pense que la maîtrise du français est de moins en moins répandue. Plusieurs facteurs en sont probablement à l’origine: le changement des méthodes d’enseignement, le nombre croissant de jeunes en formation dont la langue maternelle n’est pas le français ou qui ont des parents de langue étrangère, peu en mesure de les aider. Par ailleurs, je ne crois pas que les nouveaux modes de communication favorisent une bonne expression écrite.

S’attribuer la paternité d’un texte non écrit par nos soins, n’est-ce pas une forme de mensonge intellectuel?

Je pense que cela dépend du degré d’intervention. Si le sujet est traité ou écrit uniquement par une tierce personne, s’attribuer, seul, la paternité du texte me paraît être effectivement une mystification.