La HES-SO

Plus de 12'000 étudiants, 31 sites de formation, 6 domaines: visite guidée du monde des ingénieurs avec son directeur, Marc-André Berclaz

Comment se porte la HES-SO?
La HES-SO sur le plan national se porte bien grâce à un nombre d'étudiants bien plus élevé que la plupart de ses consœurs; c'est un élément qui lui permet d'être présente dans tous les cercles importants et d'avoir un poids dans les discussions sur le plan national. Du point de vue financier, le budget a également bien augmenté, mais il est le reflet de l'augmentation des étudiants (entre 27 et 29 CHF par étudiant)

Comment son évolution a-t-elle été gérée?
En ce qui concerne l'évolution des HES, nous avons bénéficié pendant ces 10 premières années d'une augmentation permanente du nombre d'étudiants ainsi que du nombre de domaines. C'est donc une structure qui a eu un grand succès, mais qui a aussi amené des problèmes étant donné que le financement est lié au nombre d'étudiants, et qu'il a donc fallu augmenter continuellement nos budgets. Aujourd'hui les HES doivent se trouver dans une période de consolidation, surtout au niveau bachelor.

Notre développement a été jalonné tous les 2 ans par une nouvelle réforme: dans ce contexte, il est difficile de développer une structure stable ! Il faut également être conscient que 10 ans ne suffisent pas pour mettre sur pied un tel projet. Aujourd'hui, si nous voulons fonctionner comme les universités, il faut que nous ayons les mêmes contraintes que ces dernières, et surtout, nous ne pouvons pas partir de l'idée que les HES sont moins internationales. C'est pourquoi nous avons intensifié ces 5 dernières années les échanges d'étudiants avec des structures comme Erasmus, mais également avec nos propres structures. Cette année, nous avons mis sur pied des « universités d'été »: dans ce cas, il s'agissait d'aller au-delà d'un simple échange d'étudiants et de mettre sur pied l'accueil d'un groupe entier. Cela débouchera inévitablement sur des échanges de professeurs et sur des réciprocités. Nous démarchons actuellement la Chine, le Japon et le Vietnam. Cette mission est compliquée, car question financement, il n'y a pas de budget prévu pour ce type de démarches.

A partir du moment où nous aurons validé les masters ainsi que les nouvelles filières de bachelor, il restera une grande question, qui ne concerne pas uniquement la HES-SO, c'est la question des Hautes Ecoles Pédagogiques : comment vont-elles se développer dans l'actualité du paysage des hautes écoles ? C'est le grand point d'interrogation qui reste actuellement.

Les chiffres de cette année montrent encore une augmentation, on devrait commencer à approcher les 13'000 étudiants. Sachant toutefois que les masters commenceront seulement à la rentrée 2008, donc que nous ne comptons pas encore ces étudiants. Aujourd'hui dans la plupart de nos sites nous avons des infrastructures qui sont à même d'accueillir cette augmentation.

Quelles sont les collaborations au niveau national et international?
En Suisse, nous sommes impliqués dans les discussions pour réglementer les passerelles HES-Universités (au niveau bachelor-master surtout). La HES-SO, comme ses consœurs, tend à faire partie intégrante d'un système unique des hautes écoles suisses. Cela permettra de mieux comprendre le fonctionnement des différentes écoles, et surtout la raison d'être de l'université et des HES côte à côte. Bologne a presque totalement réussi à faire disparaître les différences, en tout cas d'image, entre les deux institutions, puisque maintenant même le vocabulaire est similaire! C'est donc très difficile d'expliquer pourquoi les HES continuent à dire que leurs bachelors sont professionnalisants et qu'il n'est pas indispensable de poursuivre ensuite avec un master. Au niveau des universités, le master reste le papier professionnalisant. Il y a donc un grand travail de sensibilisation et d'information à effectuer, surtout au niveau des entreprises, pour expliquer des situations différentes avec deux titres similaires.
Dans les discussions internationales, notamment avec la France, nous souhaitons intégrer les HES suisses aux accords conclus avec la conférence des présidents d'université et les directeurs d'écoles d'ingénieurs françaises: cela permettra une perméabilité accrue pour nos étudiants qui iront en France.

Bologne est maintenant «digérée» dans la plupart des hautes écoles, quels sont les autres chantiers en cours?
Toutes les filières sont passées au système de Bologne au plus tard l'année passée. Donc dès l'année prochaine, les premiers étudiants bénéficiant d'un bachelor vont arriver sur le marché du travail. Il reste encore à finaliser l'accréditation de nouvelles filières et surtout l'immense chantier de l'intégration des masters. Nous avons imaginé un concept divisé en 3 niveaux: un module de base, puis des modules d'approfondissement (propres à un site) et le travail de master, le tout piloté par les domaines. Nous veillons à ne pas proposer des masters similaires aux universités et à terme, notre objectif est de créer des masters communs. Notre souhait, et cela a été mentionné précédemment, est de développer des plates-formes permettant aux bacheliers HES de continuer leur formation à l'université (moyennant quelques crédits théoriques complémentaires). Et tout ça sans perdre l'idée que nous offrons déjà des bachelors professionnalisants.

Une des particularités de la HES-SO réside dans le fait que les formations sont gérées sur plusieurs sites, est-ce une force ou une faiblesse?
Les cantons romands ont décidé d'avoir ensemble une HES en 1996, où les valeurs d'équité et de solidarité étaient premières mais chaque canton devait pouvoir garder des activités indépendantes. Dans l'évolution de la conduite des hautes écoles, la Confédération a dû cependant émettre des limites budgétaires ainsi que des conditions pour chaque site. Cela s'est traduit par une répartition des filières entre cantons et la création de sites composés d'environ 500 étudiants, chaque site étant multi-profils.

Quels rapports entretient la HES-SO avec l'université et les EPF? Peut-on parler de collaboration ou s'agit-il plutôt de concurrence?
Bien entendu nous sommes en compétition mais le potentiel de complémentarité est très intéressant, particulièrement dans le domaine de la recherche. Schématiquement, l'université crée des idées, et nous les transformons en applications. Nous menons plusieurs projets qui intègrent ces 2 entités, et d'ailleurs nous travaillons beaucoup sur cette idée de mettre nos compétences en commun.

Si les HES font de la recherche, c'est en grande partie pour que cette recherche alimente l'enseignement. Le professeur, à côté de son enseignement, doit toujours rester en contact avec l'économie. Par ailleurs les projets de recherche que nous réalisons sont essentiellement réalisés avec des clients... et avec le devoir de résultat!
La compétence se traduit de professeur à étudiant mais aussi de professeur à PME; cette synergie est très intéressante pour nous.

Depuis quelques années l'égalité des chances est un thème souvent évoqué : quels sont les moyens mis en œuvre dans la HES-SO?
Nous travaillons avec le soutien de l'OFFT sous la forme de projets. Ces derniers peuvent toucher la formation, l'enseignement, le postgrade, la recherche, l'organisation et la structure des écoles. Nous développons par exemple des programmes pour favoriser le mélange des genres. Pour avoir des filles (ou des hommes), il est très important d'avoir des enseignants de l'autre sexe; mais pour avoir des professeurs femmes, il faut pouvoir offrir des conditions-cadres de travail: horaires allégés pour permettre la conciliation vie de famille-enseignement.

Depuis la mise en place de ce projet, nous avons vu le nombre de filles augmenter légèrement dans les filières ingénieurs. Mais avant tout ...la sensibilisation doit commencer dès l'enfance, et l'éducation est très importante de ce côté-là !

Pouvez-vous nous parler des incubateurs ? Comment se déroulent les contacts avec l'économie?
Les incubateurs se répartissent sur plusieurs sites : Sierre, Yverdon et Saint-Imier. L'idée est de rapprocher l'école d'une structure qui permet de stimuler la création d'entreprises chez les étudiants. Pratiquement toutes les écoles d'ingénieurs en tout cas, mais aussi plusieurs écoles de gestion, soutiennent les start-up.

En ce qui concerne les contacts business, nous faisons partie du consortium Alliance. Par ailleurs, avec la multitude de travaux de diplôme, ainsi que notre excellente expérience sur le terrain, les contacts que nous avons sont très importants. Et finalement, le fait que nous soyons une « petite » structure nous rend plus accessibles pour les petites entreprises.

Nous n'avons pas pour vocation unique de travailler avec des PME et lorsque nous collaborons avec des multinationales, il est nécessaire d'arriver avec l'ampleur HES-SO pour montrer que le partenaire est crédible.

Comment se passe la gestion du budget de la HES-SO?
A ce niveau, nous avons été bien soutenus. Dans les faits, nous définissons un budget global qui détermine la clé de répartition dans chaque école en fonction du nombre d'étudiants et d'un forfait. Ensuite, si les besoins des écoles ne sont pas couverts, chaque canton peut rajouter de l'argent. Par contre il y a une contrainte budgétaire qui peut exister dans certains cantons qui décideraient de ne pas allouer la totalité de la différence. Obtenir 20% de crédits supplémentaires financés par les cantons et la Confédération serait la situation idéale!

Nous pouvons obtenir du financement à travers des projets de recherche; notre problème principal est que nous n'avons pas de doctorants (qui sont par définition très peu coûteux) et les ingénieurs de recherche sont très chers. Donc il est très rare que le projet couvre la totalité des coûts: nous pourrons peut-être régler ce problème avec les nouveaux masters, qui nous amèneront de la «main d'œuvre» meilleur marché.

A terme imaginez-vous un numerus clausus?
Non ! Mais il est clair que certaines filières attirent énormément d'étudiants et qu'il sera probablement nécessaire d'introduire des systèmes de régulation, comme il en existe déjà dans certaines filières. Les places de stage ne sont pas infinies et il faut donc que nous fassions attention de pouvoir garantir à chaque étudiant une formation pratique idéale.

Quel est l'avenir à moyen terme pour la HES-SO? Avez-vous des souhaits spécifiques?
La HES-SO, ainsi que ses consœurs, doivent acquérir une autonomie identique à celle des universités. Elles doivent disposer des mêmes conditions-cadres générales. C'est très important puisqu'à terme nous allons fonctionner dans un paysage unique. Pour avoir cette autonomie, il faut que les cantons délèguent une partie de leurs prérogatives à une structure intermédiaire. Le souhait est donc que nous puissions mettre en place une vision de développement d'une institution qui s'appelle HES-SO, qui reste solidement ancrée dans les cantons, mais qui puisse évoluer avec suffisamment de flexibilité et de liberté.

Cela passera sans doute à terme par la création d'un seul département fédéral. Ce pilotage plus centré amènera à une simplification du système, car le système actuel engendre des concurrences internes qui ne sont ni productives ni efficaces: les concurrences doivent se trouver avec l'étranger et non en interne !

Pour les étudiants, notre devoir est d'assurer qu'à long terme les filières correspondent à la demande du marché. D'où la nécessité d'être en phase avec les entreprises, et de sentir l'évolution de la demande. Les étudiants doivent bénéficier d'un suivi individuel, il ne faut donc pas que les HES se transforment en mini-universités anonymes!