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Rencontre avec le nouveau chef de la formation helvétique



"La Suisse fait partie des pays les plus innovants du monde"

Mauro Dell’Ambrogio vient de prendre la direction du nouveau Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l'innovation (SEFRI). L’occasion de revenir sur les enjeux actuels et futurs du système formatif suisse.

Le Secrétariat d'Etat à l'éducation et à la recherche (SER) vient de fusionner avec l'Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie (OFFT) pour former le SEFRI. Qu’est-ce que cette fusion apporte?

Depuis longtemps, l’OFFT et le SER ont collaboré étroitement et obtenu de bons résultats en conjuguant leurs efforts. A l’interne, la fusion produira, je l’espère, certaines synergies intellectuelles car nous avons tous à apprendre les uns des autres. Mais pour notre clientèle externe, rien ne changera: chacun retrouvera ses interlocuteurs habituels et les procédures qui lui sont familières et nous continuerons de servir nos partenaires, d’encourager leurs activités et de leur offrir des conditions cadres optimales avec le même souci de qualité que jusqu’à présent.

Quelles sont les tâches du SEFRI?

Le SEFRI s’occupera, pour le département et pour le Conseil fédéral, de tous les dossiers liés au domaine Formation, Recherche et Innovation (FRI) pour lesquels la Confédération est compétente en vertu de la Constitution et de la loi: la gestion et le financement du domaine des EPF, la réglementation et le cofinancement des hautes écoles spécialisées, de la formation professionnelle et de la formation continue, le soutien aux universités cantonales. La Confédération est aussi responsable de l’encouragement compétitif de la recherche, de l’innovation et de la coopération internationale. Elle soutient les cantons dans le domaine des bourses d’études. Enfin, la Confédération et les cantons coordonnent leurs efforts et pilotent l’espace suisse de formation au moyen de projets communs. Toutes ces tâches sont assumées depuis le 1er janvier par un même centre de compétences - le nouveau SEFRI.

La révision totale de la loi sur l’encouragement de la recherche et de l’innovation (LERI) prévoit la création d’un parc suisse de d’innovation, quel est le but d’un tel parc et quelles seront ses missions?

Un parc d’innovation national, qui pourra d’ailleurs s’implanter sur plusieurs sites, constituera une plateforme pour les activités de recherche et d’innovation que les entreprises suisses et internationales entendent déployer conjointement avec nos EPF, universités et HES. L’ambition est double: créer des emplois de recherche internationaux en Suisse et offrir à nos nombreuses PME très dynamiques un tremplin pour développer la coopération avec les instituts des hautes écoles. Je voudrais souligner que l’initiative ne doit pas venir de la Berne fédérale mais en premier lieu d’initiatives conjointes associant les cantons ou les régions concernés et les entreprises. La Confédération s’est dotée de la base légale pour mettre à la disposition du parc d’innovation des terrains désaffectés de leur ancien usage, par ex. militaire.

L’investissement de 26 milliards pour la formation, l’innovation et la recherche est-ce assez?

En tous cas, c’est nettement plus que le fameux verre à moitié vide! 26 milliards, c’est beaucoup d’argent, 5 milliards supplémentaires par rapport à la période 2008-2011. Cette enveloppe traduit la conviction du Conseil fédéral et du Parlement que le domaine formation, recherche et innovation est une priorité politique, précisément en ces temps où les crises financières et économiques secouent le monde.

Le Conseil fédéral souhaite que les entreprises privées s’engagent encore plus dans la recherche. Dans ce contexte, faut-il craindre pour l’indépendance des hautes écoles?

Cette crainte est infondée. L’autonomie des universités demeure essentielle. Les hautes écoles et les scientifiques actifs dans la recherche fondamentale ne devront pas vendre leur âme. Le monde économique ne le souhaite pas car il est bien conscient que les nouvelles découvertes ne se commandent que rarement. Ces dernières se cherchent et parfois se trouvent, ce qui demande du temps et de l’argent. Il n’en est pas moins vrai que les partenariats précoces permettent de détecter à temps les potentiels d’innovation – ce qui est dans l’intérêt de tous.

Quels sont les défis futurs de la formation?

La Suisse fait partie des pays les plus innovants du monde. Il s’agit de défendre cette position, également face à de nouveaux concurrents, asiatiques par exemple. Notre pays, pôle scientifique et industriel, aura donc toujours besoin, demain et après-demain, de femmes et d’hommes hautement qualifiés, quel que soit leur parcours de formation, capables de fournir des prestations excellentes, dans le domaine professionnel ou sur le plan académique.


Bio express

Originaire du Tessin, Mauro Dell'Ambrogio a étudié le droit à l'Université de Zürich. Après un doctorat, il obtient ses brevets d’avocat et de notaire. A tout juste 25 ans, il est nommé juge du district de Bellinzone. Cinq ans plus tard, il devient commandant de la police cantonale tessinoise. En tant que secrétaire général du Département de la formation du canton du Tessin, il contribue à la création de l'Université du Tessin. Il a ensuite œuvré en tant que Directeur de la haute école spécialisée de la Suisse italienne (SUPSI). En 2007, il est nommé par le Conseil fédéral Secrétaire d'Etat à l'éducation et à la recherche. Depuis 2013, l’avocat est le nouveau Secrétaire d’Etat à la formation, à la recherche et à l'innovation.