Une carrière au féminin

Elle se bat pour l’égalité

Être une femme dans un milieu d’hommes, c’est la voie qu’a choisie Françoise Piron, ingénieure et féministe. Après avoir suivi sa formation à l’EPFL, elle obtient son diplôme en 1987. En 2002, sous son impulsion, l’association Pacte, qui vise à promouvoir la place des femmes dans l’espace économique, voit le jour. Rencontre avec une mère de famille qui a su braver les obstacles pour s’imposer.

Vous avez sorti un livre «Le fruit de la mixité, pour un meilleur équilibre entre hommes et femmes en entreprise». Pour quelles raisons?

Cet ouvrage a été réalisé avec le soutien du bureau fédéral d’égalité entre femmes et hommes au moyen des aides financières prévues par la loi sur l’égalité. Je suis partie de courts métrages que nous avons réalisé afin de montrer le quotidien des parents. Je tenais à en faire un ouvrage grand public pour montrer le vécu de façon interactive et ludique.

Les femmes sont plus nombreuses à faire de hautes études et pourtant elles sont sous représentées dans les postes à responsabilité. Comment l’expliquer?

Tout d’abord, lors d’un premier emploi, les entreprises engagent des femmes, parfois même plus que les hommes. Celles-ci présentent, au niveau des études, des diplômes avec de très bonnes notes et souvent même des mentions. Mais dès que la question de l’enfant se pose, elles pensent que l’entreprise va s’occuper d’organiser leur temps de travail mais elles se heurtent vite à la réalité. Elles commencent par diminuer leur temps de travail puis après elles démissionnent. De plus en plus d’entreprises viennent vers nous en nous disant «nous perdons des femmes». Donc les firmes recrutent 60% de femmes et à 40 ans elles sont plus là. Et cela devient un vrai problème économique. Face à ce problème, ils se sentent  démunis, ils ne sont pas dans la tête des femmes et ils ne comprennent pas toujours ce qu’il se passe. Il faut de  l’accompagnement individuel.

Pourquoi est-ce si compliqué d’allier ambition professionnelle et enfants?

C’est difficile d’un point de vue organisationnel. Ce n’est pas évident de trouver un équilibre, de savoir ce que l’on a envie de faire et à quel pourcentage. On ne connaît souvent pas les différents modèles possibles. Tout le monde parle du temps partiel car en Suisse, historiquement il est très développé mais pour des postes sans responsabilité. Mais quand on a des postes à responsabilité, travailler à 30 ou 50% ce n’est pas possible. Donc les femmes, se voient tout de suite à plein temps alors qu’il existe des alternatives. Par exemple, faire 100% sur 4 jours, on est toujours très focalisé en Suisse sur le mi-temps dès que l’on aborde le sujet. On manque de références et de modèles.

Une femme qui fait de hautes études et qui se retrouve hors du circuit professionnel. Une situation difficile à vivre, j’imagine.

Oui surtout, qu’il y a aujourd’hui autant de femmes voir plus, qui font des études. Donc forcément, elles ont aussi envie d’utiliser leurs papiers. Si elles n’arrivent pas s’investir comme il faut, une frustration s’installe à la longue et celle-ci devient de plus en plus forte avec l’âge. Elles peuvent souffrir du manque de reconnaissance de ce qu’elles ont fait et investi. Les entreprises sont de plus en plus conscientes que ces femmes qualifiées sont un potentiel économique. Etant donné que le baby boom a passé, on va manquer de main d’œuvre, de gens qualifiés en Suisse. On risque de devoir aller les chercher à l’étranger, avec tous les problèmes d’intégration que cela comporte. Donc, on ne peut plus se permettre de laisser les femmes à la maison. Cela devient un enjeu économique.

Un conseil à donner aux jeunes étudiantes?

Bien choisir son fiancé (rires). Quand elles ont un homme dans leur vie, il faut parler de ces questions très tôt dans le couple. Il faut être conscient que la personne que l’on choisit comme compagnon de vie et aussi la personne qui devra résoudre avec nous la répartition des taches pour mieux concilier carrière et famille. Et surtout, il faut se faire confiances et oser.


Biographie

Françoise Piron, mère de trois enfants, obtient son diplôme d’ingénieure en génie civil de l’EPFL en 1987. Elle travaille ensuite 5 ans dans un bureau d’ingénieurs spécialisé en géotechnique, puis à l’Office fédéral de l’environnement. En 1994, Françoise Piron  crée le bureau de l’égalité de l’EPFL. Son combat, promouvoir les métiers scientifiques et techniques auprès des jeunes filles dans les écoles. En 2002, elle fonde Pacte, une association professionnelle romande, à but non lucratif.